Rencontres marquantes

Vingt personnalités qui nous ont fait réfléchir

1975 : Vladimir Jankélévitch, lors de son cours à la Sorbonne, dans le grand amphithéâtre.

«Le nouvel art de plaire est un art d’agréer pour subjuguer. Il y a un charme de réciprocité sympathique qui doit être soigneusement distingué du charme irréversible et agressif des magiciens (...). Pénétrant et impénétrable * : ces mots résument une relation unilatérale et injuste qui évite avec soin de devenir corrélation et de s’ouvrir à l’échange » * La Bruyère, Les Caractères, VIII

 

1978 : Victor Vasarely, dans sa maison-atelier à Annet-sur-Marne.

« En traçant sur une plaque de plexiglas un réseau très simple et en l’accouplant avec un autre réseau tracé sur une autre plaque, je me suis rendu compte assez rapidement que je construisais un espace qui ne devrait plus rien, ni à la perspective euclidienne, ni à la perspective axonométrique, ni à quelque autre perspective que ce fût… » »

1978 : Jean Giraud, alias Moebius, à la salle de la Mutualité
« La conception mentale et raisonnée, la mise en équation du monde n’efface pas la vie foisonnante du chaos. Nietzsche disait qu’il faut encore porter du chaos en soi pour pouvoir donner naissance à une étoile dansante »

 

1981 : Hubert Beuve-Mery, au journal Le Monde, rue des Italiens

« Faites chiant ! »

1983 : Michel Foucault, au Collège de France

« Entre Hésiode et Platon un certain partage s’est établi, séparant le discours vrai et le discours faux ; partage nouveau puisque désormais le discours vrai n’est plus le discours précieux et désirable, puisque ce n’est plus le discours lié à l’exercice du pouvoir. Ce partage historique a sans doute donné sa forme générale à notre volonté de savoir. »

 

1983 : Dan Rather, dans la salle de rédaction de CBS Evening News, à New York
«That's part of our world tonight »
 

1985 : Jean-François Bizot, à Radio Nova

« Disparaitre d’usure puis retourner à l’humus et qu’autre chose pousse »

 

1988 : Umberto Eco, à la FNAC, boulevard Saint-Germain

« La quantité d’informations d’un message est également fonction de la conscience que j’ai de pouvoir faire plus ou moins confiance à qui me renseigne : quand je demande à un agent immobilier si la maison qu’il me présente est ou non humide, je tire de sa réponse négative une information peu considérable et reste tout aussi incertain quant à la vérité du fait. Mais si l’agent me répond affirmativement, contre toute attente et contre son propre intérêt, je reçois une quantité d’informations importante et je sais véritablement quelque chose de plus sur le sujet qui m’intéresse. »

 

1988 : Jean Favier, à la direction des Archives Nationales
« Malgré la colonisation sur terre, les empires sont sur mer, faits de routes maritimes et de ports privilégiés. Et parce que l’empire immatériel l’emporte en intérêt sur l’empire matériel, rien ne retient les ambitions. »
 

1989 : Antoine Riboud, à Berlin, avec François Mitterrand

« L’expérience prouve que les entreprises les plus performantes sont celles qui ont changé, en même temps, la technologie, le contenu du travail et les rapports sociaux internes. »

1990 : William E. Deming, à Paris

« Innovation comes from the producer… not from the customer » 

 

 

1991 : Richard Saul Wurman, à New York

« I would like to quote Carlos Fuentes : the greatest crisis facing modern civilization is going to be how to transforme information into structured knowledge »

1992 : Tom Peters, à Londres

« Excellent firms don’t believe in excellence – only in constant improvement and  constant change. »

1993 : Henry Mintzberg, à l’Insead, Fontainebleau

« Les stratégies n’ont pas besoin d’être délibérées – elles peuvent aussi émerger, plus ou moins, des actions entreprises. »

1995 : Eugen Drewermann, chez lui à Paderborn, en Allemagne

« Moins quelqu’un est au clair avec lui-même, plus il est tenté de se fuir. Ce sont toujours les personnes intérieurement les plus déchirées et les plus insatisfaites d’elles-mêmes qui se plaignent de leur entourage, protestent contre leurs conditions de vie et appellent à révolutionner un « système insupportable ». Mais en définitive, leurs plaintes ne changent rien à rien. C’est comme dans une partie de « pouilleux », où on se refile toujours la carte perdante sans jamais la retirer du jeu. Celui qui veut vraiment transformer le monde doit commencer par lui-même et chercher la justice en son propre cœur, au lieu de prétendre y contraindre les autres. Seul celui qui aura appris à mettre un peu d’ordre en soi trouvera les mots justes pour faire naître le bien. Pour cela, il faut accepter la solitude. Elle seule permet de se confronter à soi-même sans détours. Pour découvrir la vérité de notre existence, il faut faire taire les voix étrangères. L’important, ce ne sont ni les pensées, ni les conseils, ni les félicitations, ni les blâmes des autres, mais ce qui se passe au fond de nous. »

 

1996 : Jean Baudrillard, lors de son séminaire au centre Georges Pompidou sur « les masses critiques »

« Tant d’autres cultures ont une situation plus originale que la nôtre. Pour nous, tout est déchiffrable à l’avance, nous avons d’extraordinaires moyens d’analyse, mais pas de situation. Nous vivons théoriquement bien au-delà de nos propres événements. Dans la mélancolie profonde. A d’autres, il reste une lueur de destin, de quelque chose qu’ils vivent, mais qui leur reste, morts ou vifs, à jamais indéchiffrable. Nous avons liquidé l’ailleurs. D’autres cultures plus étranges vivent dans la prosternation (devant les étoiles, devant le destin), nous vivons dans la consternation (de l’absence de destin). Rien ne peut venir que de nous. Et c’est en quelque sorte la malheur absolu. »

 

2003 : Alain Resnais, sur le plateau du tournage de « Pas sur la bouche »

« J’étais aussi attiré par cette espèce de nostalgie qu’on retrouve dans une page de Kundera, au début de L’Insoutenable Légèreté de l’être, quand le héros regarde le mur d’en face et se dit que quelle que soit la décision qu’il prendra, il ne pourra jamais savoir ce qu’aurait donné l’autre ; une vie ressemble toujours à une esquisse, à l’ébauche d’un tableau qui ne sera jamais achevé : « Ne pouvoir vivre qu’une vie, c’est comme ne pas vivre du tout. » Kierkegaard développe cette idée : dès qu’on a pris une décision, on regrette de ne pas avoir pris l’autre, et plus la décision est de peu d’importance, plus parfois elle est difficile à prendre. »

2004 : Kenzaburo Oé, à la Maison de la culture du Japon, à Paris

« Pour moi, un intellectuel est celui qui peut et qui doit parler « en amateur », en dehors de son champs de spécialité, pour rappeler qu’il y a d’autres manières de voir, de concevoir le réel que celles véhiculées par le discours dominant. »

 

2009 : Chris Ware, au Festival d’Angoulême

 

« Après des années de travail, je finis par comprendre que c’était ca la vraie valeur de la fiction : dépasser les détails et les doutes qui portent sur des événements réels et « ramener à la vie » l’essence d’un être tel qu’on se le rappelle. D’une certaine façon, c’est à peu près comme la différence entre jouer un rôle et l’incarner ; à un moment donné, on s’abandonne totalement à ce qu’on croit être le personnage (qui est en réalité l’inexplicable sédimentation de souvenirs ou de pensées qu’on a d’une personne) tout comme l’artiste doit s’abandonner à l’art, sans essayer de penser ou prévoir quoi que ce soit en amont, car l’art est en soi une façon tout à fait unique de penser. »

 

 
 

2010 : François Jullien, dans son bureau de l’université Paris Diderot

« De la sagesse versus la philosophie, on retiendra finalement ces traits distinctifs : tandis que la philosophie se veut éristique (agonistique), la sagesse se déclare pacifique, se défendant de tout affrontement ; tandis que la philosophie est dialogique en réclamant l’approbation d’autrui, la sagesse est soliloquente, et même elle s’attache à déjouer le débat, biaise avec le dialogue ; enfin, tandis que la philosophie est exclusive, comme l’y oblige la vérité, la sagesse est compréhensive, en englobant d’emblée (sans dialectiser) les points de vue opposés. »

 

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